Poème dédié à Hyppolyte Chenuat
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SAPIGNEUL, mémoire d'un village disparu :: Généalogie et hommages :: Hommages à ceux qui ont combattus sur Sapigneul (et côte 108)
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Poème dédié à Hyppolyte Chenuat
On m’avait raconté qu’un obus te tua
à la Guerre de Quatorze, il y a très très longtemps.
Quand Mémé te rappelait à son doux souvenir,
elle disait "mon papa" en pleurant pudiquement.
À soixante quinze ans, ses larmes chargées d’enfance,
elle revivait tremblante ce jour de printemps
où on lui annonça qu’elle était orpheline.
Elle se trouvait en classe, et elle avait sept ans.
Seize avril dix-sept, sur le Chemin des Dames,
cette ordure de Nivelle et la côte 108,
Sapigneul rasée agonisant sans fin,
la terre disparaissait sous les trous et les corps.
Es-tu mort le 18, comme ils l’ont déclaré,
après quarante-huit heures d’ignoble boucherie ?
Combien de compagnons tombèrent avant toi,
avant que ton tour vienne au jeu du sacrifice ?
L’échec de l’offensive, trente mille morts en dix jours,
et te voilà piégé au cœur du grand gâchis.
Durant ces heures de feu, de meurtre et de panique,
avant de rendre l’âme, que fis-tu, Hyppolyte ?
Visas-tu des uhlans émergeant du Mont Spin ?
Glissas-tu un message pour ta femme, Joséphine,
à l’abri, tout au fond de ton lourd havresac,
ou bien dans ta musette entre rations et peigne ?
Ressortis-tu la lettre où elle te dit trois mots,
des mots purs et simples qui fleurent bon la paix,
que Marguerite, Armand, tes deux enfants bien sages,
se portent à merveille et que le temps est beau ?
Mouillant tes brodequins à la Loivre sanglante,
ressassais-tu déjà la Chanson de Craonne ?
Hyppolyte, la peur t’offrit-elle un répit ?
Pris-tu un peu de temps pour songer à ta vie,
ton humble vie de père, de mari, de manœuvre,
de paysan, d’ami, d’homme de trente huit ans ?
Entre les tranchées sales, les morceaux de cadavres,
pensas-tu au printemps, lui fis-tu tes adieux ?
Au milieu du fracas d’incessantes explosions,
avant de rendre l’âme, déchiqueté par l’obus,
offris-tu un sourire aux grâces du passé
ou versas-tu des larmes en maudissant la guerre ?
Hyppolyte, merci pour le bel héritage
de ta bonté transmise à ta tendre fillette,
ma mémé adorée d’irréelle douceur.
Tu la guidas du Ciel, j’en suis sûre et certaine.
Elle pria pour toi, toute sa vie durant.
CLG
(Hyppolyte était le père de ma grand mère maternelle)
à la Guerre de Quatorze, il y a très très longtemps.
Quand Mémé te rappelait à son doux souvenir,
elle disait "mon papa" en pleurant pudiquement.
À soixante quinze ans, ses larmes chargées d’enfance,
elle revivait tremblante ce jour de printemps
où on lui annonça qu’elle était orpheline.
Elle se trouvait en classe, et elle avait sept ans.
Seize avril dix-sept, sur le Chemin des Dames,
cette ordure de Nivelle et la côte 108,
Sapigneul rasée agonisant sans fin,
la terre disparaissait sous les trous et les corps.
Es-tu mort le 18, comme ils l’ont déclaré,
après quarante-huit heures d’ignoble boucherie ?
Combien de compagnons tombèrent avant toi,
avant que ton tour vienne au jeu du sacrifice ?
L’échec de l’offensive, trente mille morts en dix jours,
et te voilà piégé au cœur du grand gâchis.
Durant ces heures de feu, de meurtre et de panique,
avant de rendre l’âme, que fis-tu, Hyppolyte ?
Visas-tu des uhlans émergeant du Mont Spin ?
Glissas-tu un message pour ta femme, Joséphine,
à l’abri, tout au fond de ton lourd havresac,
ou bien dans ta musette entre rations et peigne ?
Ressortis-tu la lettre où elle te dit trois mots,
des mots purs et simples qui fleurent bon la paix,
que Marguerite, Armand, tes deux enfants bien sages,
se portent à merveille et que le temps est beau ?
Mouillant tes brodequins à la Loivre sanglante,
ressassais-tu déjà la Chanson de Craonne ?
Hyppolyte, la peur t’offrit-elle un répit ?
Pris-tu un peu de temps pour songer à ta vie,
ton humble vie de père, de mari, de manœuvre,
de paysan, d’ami, d’homme de trente huit ans ?
Entre les tranchées sales, les morceaux de cadavres,
pensas-tu au printemps, lui fis-tu tes adieux ?
Au milieu du fracas d’incessantes explosions,
avant de rendre l’âme, déchiqueté par l’obus,
offris-tu un sourire aux grâces du passé
ou versas-tu des larmes en maudissant la guerre ?
Hyppolyte, merci pour le bel héritage
de ta bonté transmise à ta tendre fillette,
ma mémé adorée d’irréelle douceur.
Tu la guidas du Ciel, j’en suis sûre et certaine.
Elle pria pour toi, toute sa vie durant.
CLG
(Hyppolyte était le père de ma grand mère maternelle)
Cécile La Gravière- Nouveau
- Messages : 1
Date d'inscription : 24/11/2013
Re: Poème dédié à Hyppolyte Chenuat
Très beau texte. La première guerre mondiale, comme toutes les guerres, toucha profondément la vie des familles.
En ce moment je suis en train de lire un livre qui parle des bouleversements qu'ont connus des millions de familles... "Nos familles dans la Grande Guerre" de Jean-Louis BEAUCARNOT. L'on y parle pas de la guerre côté des tranchées mais des blessures physiques et morales qu'ont subies les familles.
En ce moment je suis en train de lire un livre qui parle des bouleversements qu'ont connus des millions de familles... "Nos familles dans la Grande Guerre" de Jean-Louis BEAUCARNOT. L'on y parle pas de la guerre côté des tranchées mais des blessures physiques et morales qu'ont subies les familles.
SAPIGNEUL, mémoire d'un village disparu :: Généalogie et hommages :: Hommages à ceux qui ont combattus sur Sapigneul (et côte 108)
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