SAPIGNEUL, mémoire d'un village disparu
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Après guerre

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Message  Malinowski 15/4/2014, 21:57

Bonsoir à tous. Je vous présente ce soir deux vues prises après la guerre. Fort probablement sur le mont, à un endroit qui se trouvait entre les lignes allemandes et françaises. Ces restes proviennent de soldat tombés lors des combats d'Avril/mai 1917 ou de malheureux patrouilleurs… La première est tirée d'un carnet de cartes postales, la seconde est une photographie de presse. Même endroit,  je pense, malgré les crânes  déplacés.  Alain
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Message  David.H 15/4/2014, 22:42

Je connaissais la photographie de presse... mais je ne savais pas qu'il existait également une carte postale.

La censure s'est elle calmée après guerre ? En pleine guerre de telles images auraient été censurées. Le tourisme en mémoire des souffrances de la guerre a commencé dans les années 20.
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Message  Ian D. 16/4/2014, 14:58

Bonjour,

A voir dans le Journal des mutilés, réformés et blessés du 17 avril 1920 ci-joint l'article "Une Chose Abominable"

Défilement Verticale afin de voir toute la page.

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k55716401

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Cordialement, Ian
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Message  David.H 16/4/2014, 23:01

Ian: Je t'ai ajouté l'image à ton message

L'info est intéressante... L'on connait maintenant l'origine de cette photo. Probablement reprise par la suite au même endroit comme la précisé Malinowski. Les deux photos semblent avoir plusieurs semaines ou mois d'intervalles car l'on voit que la végétation a poussée.

"L'Oeuvre" est un journal qui a été crée en 1904 et a existé jusqu'en 1946.
http://fr.wikipedia.org/wiki/L'%C5%92uvre_(journal)
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Message  Malinowski 17/4/2014, 20:21

Bonsoir à tous, l'après guerre encore avec ce témoignage allemand, un peu romancé, et deux photographies pour l'illustrer. Alain

FRUNSBERG - VERLAG   BERLIN       1929
                        HEUTE AN DER   WESTFRONT

                                  VON MAXIM ZIESE
                                                    UND
                              HERMANN ZIESE - BERINGER
                                                ----------
               Extrait du livre allemand “Aujourd'hui sur l'ancien front de l'Ouest"
                                  Chapitre “ On a dérobé un mort”
         


            A la fin de la guerre, le gouvernement français avait publié un avis informant, autant que je me souvienne, que les familles des tués pouvaient demander le retour des dépouilles vers leur région d'origine, durant une période de 5 ans.
Indubitablement, cette mesure mettait fin aux tourments de beaucoup de parents qui souhaitaient de tout coeur voir leurs morts sur les champs de bataille, inhumés près de chez eux que dans les nombreuses rangées d'un cimetière isolé.
Mais on estimait qu'avec l'écoulement du temps, de nombreuses familles se lasseraient et laisseraient leurs morts en paix, là où ils reposaient. Car ce n'était pas facile de surveiller la recherche et l'exhumation des corps sur le champ de bataille et d’assurer parfaitement l’efficacité du travail de l’état-civil.
Egalement, encore longtemps après l’armistice, dans la totalité des chemins de fer-français régnait un épouvantable désordre et une pénurie des moyens de transport. L'expression “crise des transports” apparaîtra pendant longtemps dans les colonnes des journaux. Aussi cette situation  freina le transport des corps.
    C’est pourquoi il se produisit ceci :
            Dans une étouffante nuit de juillet, alors qu’un vent violent frappait la sombre vallée de l’Aisne,  une automobile sans lumière stationnait au pied de la côte 108 à Berry-au-Bac.
Un homme, appuyé au  capot du moteur, fumait nerveusement, écoutait le bruissement du vent, observait les éclairs de l'orage au loin sur la ville de Reims. Le sol crayeux déchiré de la cote 108 reluisait d'un blanc terne dans la nuit et les peupliers déchiquetés du canal avec leurs branches dépouillées, semblaient des squelettes sous les lueurs du temps.
L'homme prêtait l'oreille dans la nuit, essayait de percevoir des pas provenant des ruines de la ferme du Choléra sur la grand’route. Mais seulement, le léger bruissement du vent nocturne provenait des ruines de Berry-au-Bac et se perdait dans l'obscurité du cours d'eau.
L'homme se pencha et, à la lueur de sa cigarette, regarda l'heure à sa montre. Il y  avait déjà dix minutes de retard sur l'heure prévue.
Tout était prêt. Seulement manquaient les deux prisonniers de guerre affectés à l’Etat-Civil.
N'avaient-ils pu se glisser hors du camp? Ne voulaient-ils plus? Refusaient-ils l'argent promis?
Alors, sur le chemin du cimetière de la ferme Moscou arrive un homme vêtu du  long manteau d’automobiliste.
- Etes-vous là, vous deux?
- Non.
- Nom d'un chien
Des éclairs zébraient le ciel. Alors, des ombres profondes s'étendaient sur la terre. Nous ne pouvons pas faire seuls le travail, dit l'un des hommes.
- Aussi, cela me contrarie... poursuivit-il à voix basse.
- Cela ne peut durer trop longtemps.
- Nous ne pourrons pas apporter trop tôt le cercueil au cimetière, tant que nos deux prisonniers ne sont pas là.
- Oui, ce serait inutile.
Le plus âgé des deux hommes dit après un long silence : je n'aurais jamais pensé qu'encore une fois dans ma vie, je serais aux aguets au bord d'une route la nuit.
- Dans le but de commettre un vol, rétorque l'autre. Mais tranquillise-toi, c'est pour rendre service à une mère.
Le plus vieux eut un mouvement en avant, lorsqu'il dit : je connais le règlement imbécile du gouvernement français qui, pas une fois, ne laisse les morts en paix, là-où ils le veulent.
L'homme au manteau d'automobiliste dit : les morts ne veulent plus rien...
- Mais comme proche parent, en tant que père, j'ai un droit sur mon fils, alors qu'aucune loi ne me permet de le prendre ! C'est déjà assez que la guerre me le prit vivant, on doit au moins me le laisser mort.
Soudain, l'autre homme lui mit la main sur le bras, puis écouta. - Ils arrivent, chuchota-t-il.
Deux fantômes surgirent de l'obscurité.
- Bonsoir, messieurs murmure une voix. L'homme porta vivement la main à sa casquette.
L'autre forme sombre se taisait.
- Messieurs     saluèrent en retour les deux français. Ils se serrèrent la main.
-Pouvons nous commencer ? demande l'homme au large manteau d'automobiliste.
-Immédiatement !
-Vite, Oswald ! dit le prisonnier à son camarade, qui chuchota faiblement : les deux doivent d'abord donner l'argent.
-Laisse donc après.
-Devons nous maintenant prendre le cercueil avec nous pour le Cimetière ? Demanda le français.
-Non, nous le prendrons quand nous aurons le corps.
-Les quatre hommes montèrent le chemin escarpé menant au cimetière de Moscou. A mî-hauteur, les deux allemands disparurent un court instant dans les buissons au bord du chemin et prirent leurs pelles qu'ils avaient déposé et caché les jours précédents. Ensuite les quatres ombres se glissèrent silencieusement entre de nombreuses croix et la lueur d'une lampe de poche se porta sur le tableau de numérotage des tombes.
- Il est ici, numéro numéro 86,    dit l'homme à la lampe.
Un allemand enleva la légère croix de bois et la jeta sur le coté. Dans le silence, commença le sinistre travail. Les deux prisonniers attachés au service de l'Etat-Civil avaient l'expérience de la recherche  des morts. De temps en temps, les éclairs de l'orage luisaient haut dans le ciel nocturne, et éclairaient une seconde les quatre hommes dérobant un mort dans l'obscurité, parmi les innombrables croix blanches paraissant dans la nuit des colonnes muettes menaçantes.
- L'homme au manteau d'automobiliste dit : Cette action est pénible pour un père.
- Il enfonça ses mains dans ses poches et haussa les épaules. Il était comme pétrifié. Il regardait fixement la tombe, déjà bien profonde.






Le jeune homme, près de lui, répondit d'un ton apaisant : ne pense pas à cela maintenant... Ce règlement qui oblige les morts à reposer aux emplacements fixés par l'état, est cruels pour les parents. Tu as le droit, le droit  du père.
Et pense à la femme, qui, comme mère, attend et voudrait savoir où son fils unique repose. Ce doit être épouvantable pour une mère de ne pas pouvoir visiter une fois la tombe de son fils, alors que son coeur le désire ardemment.
- Oui... c'est ainsi... dit lentement le père.
-Et veux-tu attendre jusqu'à l'éternité afin d'acheminer ton fils jusqu'au foyer ? Maintenant nous sommes ici, alors...
Il déplaça sa casquette de sport.
-I1 est là... dit une voix dans la fosse. Sourdement les pelles frappèrent le cercueil.
- Diable ! Je voudrais une cigarette, ça sent déjà...
-Tout à l' heure, répondit l'autre, quand nous sortiront le corps.
Ensuite, à l'aide de leurs pelles servant de levier, les deux prisonniers soulevèrent le cercueil. Ils le saisirent par les cotés et le déposèrent près de la tombe.
-  Diable ça donne chaud murmure l'un des prisonniers en jettant la pelle à    l’écart.
Les quatre hommes allèrent vers l'auto et saisirent le cercueil neuf en chêne.  Devant, marchait le père portant le cercueil de son fils.
Pendant que les prisonniers enlevaient le couvercle de la vieille-caisse-cercueil, les français ôtaient leurs coiffures. Le père, les mains crispées, se tenait immobile, la tête fortement inclinée.
- Une cigarette, maintenant ! dit un homme de l'état-Civil.
L'autre porta sa main à la poche et tous deux, à l'abri de leurs mains, enflammèrent une allumettes.Ils aspirèrent profondément la fumée...
Alors que le vent de la nuit soufflait de nouveau sur le cimetière, une cavité noire apparaissait au milieu  des rangs de tombes. Non loin se trouvait une caisse-cercueil recouverte d'une couche de terre ainsi qu'une croix en travers du chemin. Le nom était gratté.
- En bas, sur la route, dit l'homme au manteau d'automobiliste, tant que l'un des prisonniers serrait une liasse de billets de banque dans la main.
- Je vous remercie, messieurs ... mais qu'allez vous faire avec autant d'argent ? si je peux me permettre de vous le demander.
L'homme à la veste vert-de-gris plaça sa casquette complètement devant son visage et dit, déjà sur le point de partir : Nous emploierons l'argent pour le prochain voyage, pour notre évasion. Voilà pourquoi nous aiderons un mort à retrouver la liberté.
Et les deux fantômes disparurent dans la nuit.
Etat-civil. Ainsi étaient-ils, ainsi remplirent-ils un dernier service presque oublié aujourd'hui.

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Message  David.H 17/4/2014, 21:27

Intéressant témoignage !!!

Cela me rappelle ce que me disait mon grand père sur l'ancien cimetière militaire allemand de Guignicourt. Après guerre, l'État avait prévu de déterrer les cercueils du cimetière allemand pour rapatrier tout ce beau monde en Allemagne. Seulement, les cercueils étaient fréquemment enterraient sur plusieurs étages dans une même fosse... et les ouvriers n'étaient payés ni à l'heure, ni au cercueil mais au trou... ce qui fait qu'ils déterraient généralement le 2e voir le 3e corps mais n'allaient pas plus loin. Lorsque le beau-frère de mon grand père a fait creuser son terrain pour y installer une cave et un garage souterrain (ça devait être dans les années 60) ils sont tombés sur un corps. D'après le témoignage de mon grand père le corps était encore dans un état tellement bien conservé que l'on voyait encore toutes les mailles de son vêtement et que l'on pouvait encore lire les papiers qui se trouvaient dans le portefeuille qui était dans la veste. Lorsque mon grand oncle est allé signaler cette "trouvaille" à la gendarmerie on lui a répondu: "si vous en trouvez encore ré-enterrez moi ça et ne venez plus nous voir, cela demande trop de paperasse"... Bref, il doit y avoir encore pas mal de corps enterrés dans de nombreux anciens cimetières militaires...
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Message  Cote_108 18/4/2014, 14:24

Bonjour à tous,

Cette histoire de vol/déplacement de cadavre, me fait penser à une histoire similaire. La fin était cependant un peu différente car les voleurs se sont faire repérer par la gendarmerie, une course poursuite a eu lui et le cercueil est tombé de la charette et corps restant sur le chemin. L'histoire avait fait grand bruit si j'ai bonne mémoire.

Concernant les corps de façon plus générale, David n'a pas tord mais il faut aussi ajouter ceux qui n'ont pas été enterrés dans un cimetière et son restés sur le champs de bataille. Par exemple, l'explosion du mine à 108 a causé la perte de 196 cavaliers d'un coup. Combien sont restés ensevelis sur place ? et combien pour le grand entonnoir ? Je me souviens aussi d'une photo du champs de bataille de Verdun. Un immense "tas" (et le mot est faible) de corps et de morceaux de chair récupérés sur place et entassés avant d'être mis dans l'ossuaire (je suppose). Combien de corps ont été déchiquétés sans être jamais reconnu comme un corps....

La paix a des bons cotés auxquels on ne pense jamais assez !!!

Cordialement

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Message  David.H 18/4/2014, 14:33

Cote_108 a écrit:Concernant les corps de façon plus générale, David n'a pas tord mais il faut aussi ajouter ceux qui n'ont pas été enterrés dans un cimetière et son restés sur le champs de bataille. Par exemple, l'explosion du mine à 108 a causé la perte de 196 cavaliers d'un coup. Combien sont restés ensevelis sur place ? et combien pour le grand entonnoir ? Je me souviens aussi d'une photo du champs de bataille de Verdun. Un immense "tas" (et le mot est faible) de corps et de morceaux de chair récupérés sur place et entassés avant d'être mis dans l'ossuaire (je suppose). Combien de corps ont été déchiquétés sans être jamais reconnu comme un corps....
Nombreux sont les disparus qui n'auront probablement jamais de sépultures. Un oncle de mon grand père, Jules WUATTIER, ambulancier, s'est fait enterrer vivant par le souffle d'un obus en cherchant à s'abriter dans un trou d'obus. C'était le 28 septembre 1914 à Chuignes dans la Somme. Son corps n'a jamais été retrouvé.

Cote_108 a écrit:La paix a des bons cotés auxquels on ne pense jamais assez !!!
C'est clair, et il est bon de faire des piqûres de rappel historique aux jeunes générations. Eux ne voient la guerre que dans leurs jeux... sans penser aux souffrances et aux millions de vies brisées d'une guerre réelle.
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Message  Cote_108 18/4/2014, 14:43

David

Effectivement les jeux videos mais aussi les films nous donnent une vision déformée des conséquences de la guerre. quand je pense que l'on nous a "vendu" le concept de guerre propre sans que cela ne choque vraiemment. Ca laisse pensif !!!

Cordialement

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Message  Malinowski 18/4/2014, 22:12

Bonsoir à tous. Les laies coupe feu qui jalonnent le mont de Sapigneul ont été faites en mai 93. Qui se souvient des ossements qui jonchaient le sol un peu partout ? Nous avions trouvé, près du point 91, un homme tué en septembre ou le 15 octobre 1914 (d'après les aérateurs de son képi). Le garde fédéral déposa ses restes au cimetière de Cormicy. Je me souviens aussi de tibia, de fragments de boite cranienne de Français et allemands quai avaient échappés au regard du conducteur d'engin. Nous les avions rassemblés et ils furent envoyés au cimetière de Cormicy . En retour nous reçûmes  ce compte rendu d'exhumation. Alain

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Message  Cote_108 22/4/2014, 16:49

Bonjour

A lire cet article du Monde sur l'Archéologie de la Grande Guerre.

http://www.lemonde.fr/sciences/article/2014/04/21/l-archeologie-de-la-grande-guerre_4404903_1650684.html

Cordialement

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